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On croyait aider nos élèves… et si la fluence faisait exactement l’inverse ?

Pourquoi la fluence s’est imposée partout
Depuis le début des années 2020, la « fluence » — la capacité à lire vite, correctement et avec aisance — est devenue une priorité pour l’École. Les évaluations nationales la mesurent, des formations lui sont consacrées, et les enseignants sont encouragés à multiplier les entraînements chronométrés. L’idée paraît simple : plus un élève lit vite, plus il comprendra facilement.

Mais beaucoup de chercheurs et de professionnels alertent aujourd’hui : cette vision est réductrice et peut même devenir contre-productive.

Un concept complexe… réduit à un chiffre
Dans la recherche, la fluence ne se limite pas à la vitesse. Elle comprend aussi :

  • la précision des mots lus,
  • l’automatisation du décodage,
  • la prosodie : l’intonation, le rythme, le phrasé.

Or, dans la pratique scolaire, tout est souvent ramené au fameux NMCLM : Nombre de Mots Correctement Lus par Minute. Résultat : la vitesse prend toute la place, au détriment du sens.

Lire vite ne signifie pas comprendre
Un élève peut très bien afficher une bonne vitesse de lecture… tout en ne comprenant presque rien. À l’inverse, un élève qui ralentit pour réfléchir, faire des liens, anticiper, construire le sens, peut paraître « peu fluent » alors qu’il comprend réellement le texte.

Quand la fluence est survalorisée, on risque donc de confondre performance technique et compétence de lecteur.

Une approche qui peut accentuer les inégalités
Les élèves issus de milieux favorisés disposent souvent d’un bain culturel qui facilite la lecture. Pour eux, la fluence n’est qu’un élément parmi d’autres.
Mais pour les plus fragiles, la fluence devient parfois un exercice répétitif et normatif, centré sur la vitesse, qui laisse peu de place au plaisir de lire, à la compréhension profonde ou au dialogue avec les textes.

On finit par créer deux mondes :

  • les élèves qui lisent pour comprendre,
  • et ceux qui lisent pour aller vite.

Lire, ce n’est pas aller vite : c’est penser
L’AFEF rappelle une idée essentielle : lire, c’est se construire comme sujet lecteur. C’est entrer dans une culture, comprendre le monde, interpréter, discuter, se forger une pensée.

Le risque, avec la fluence utilisée comme objectif central, est de réduire la lecture à un geste mécanique et mesurable, alors même que la lecture est une activité intellectuelle, culturelle et sociale.

Vers une approche plus équilibrée
La fluence peut être utile pour soutenir certains élèves dans le décodage, mais elle ne doit jamais devenir une fin en soi. Pour vraiment faire progresser les enfants, il faut multiplier :

  • les lectures variées, longues ou courtes,
  • les échanges oraux autour des textes,
  • les situations d’interprétation,
  • les lectures disciplinaires (en sciences, en histoire, en maths),
  • les moments où l’on lit pour comprendre, pas pour performer.

En somme : ce n’est pas la vitesse qui crée le lecteur, c’est la rencontre avec les textes.

Professeur des écoles

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Administrateur de la communauté Professeurs Des Ecoles.

8 réflexions sur “On croyait aider nos élèves… et si la fluence faisait exactement l’inverse ?

  • Que c’est bon de lire ça.
    J’avais cette discussion avec ma directrice suite à l’analyse des évaluations nationales. Elle n’était pas d’accord avec moi.
    Du coup là je me sens moins seule. 🙏

    • Je suis heureuse de lire cet article ! On en discutait avec une collègue, on ne comprend pas le fait de juste faire travailler la vitesse… j’espère que certains collègues comprendront qu’il faut arrêter de juste chronométrer la vitesse !

      • Merci Aurey — vous avez tout à fait raison : la fluence ne se réduit pas au chronomètre. Il faut viser précision, fluidité et compréhension. Sur le site, on rappelle que des outils (règle-guides, timers…) peuvent aider, mais seulement s’ils sont employés avec prudence pour éviter une dépendance ; l’essentiel reste le sens et le plaisir de lire. Bravo pour la vigilance, continuez d’en parler avec vos collègues.

    • Merci florencenicolas2 — votre remarque est pertinente : certains lisent lentement mais comprennent très bien. Les consignes sur la fluence ciblent surtout les élèves manquant d’automaticité (≈90 mots/min) et préconisent des pratiques ciblées ; gardez la compréhension comme priorité : évaluez-la séparément, différenciez les entraînements et utilisez des outils adaptés.

  • Ce que je dis depuis des années et corroboré par les résultats des évaluations nationales des 6e: ils sont bons en fluences mais bien moins bons en compréhension.
    Cela ne sert à rien lire à la vitesse du TGV si on ne fais pas de sens ni de liens (au propre comme au figuré,on en parle des liaisons non faites mais l’élève performe en fluence ?) lire c’est comprendre et c’est aussi du plaisir pas de prendre le TGV ou un jet privé !

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