L’école, une garderie de luxe ? Réflexion sur la place réelle de l’école
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averoes, le il y a 1 semaine.
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- 5 avril 2025 à 21h17 #25024
Anonyme
Depuis quelques années, une tendance lourde se dessine dans les mentalités parentales : l’école, pourtant obligatoire, semble de plus en plus considérée comme une simple solution de garde. Pas comme un lieu essentiel de transmission, d’apprentissage ou de construction intellectuelle, mais comme un service pratique… qu’on utilise à la carte.
En tant qu’enseignante, je suis frappée par deux grandes catégories de comportements parentaux que je vois se répéter chaque année :
1️⃣ Les parents “gestionnaires de planning”
Ceux-là adaptent la présence de leur enfant à l’école selon leur propre emploi du temps. Un pont, un week-end prolongé, des vacances moins chères en semaine ? L’enfant est absent. Mais attention : ils réclament ensuite le travail à l’avance, comme si apprendre pouvait se résumer à remplir une fiche ou faire un exercice de maths à distance.2️⃣ Les parents “hyper-précautionneux”
Ils retirent leur enfant de l’école pour le moindre bobo ou petit inconfort : un rhume, un genou égratigné, une nuit agitée… L’école devient alors secondaire, voire accessoire. On la contourne, on l’interrompt sans culpabilité, car dans l’esprit de ces parents, l’école n’est plus cette institution qui structure le quotidien de leur enfant. Elle est un service parmi d’autres.Et pourtant, l’école est obligatoire… Non ?
L’école est bien sûr obligatoire, du moins sur le papier. Mais la réalité du terrain montre à quel point cette obligation est relativisée :Lors des grèves, la priorité n’est plus donnée à la continuité pédagogique, mais à l’organisation d’un service minimum de garde par la mairie.
Les ponts de mai, chaque année, sont l’illustration parfaite de cette dérive : les taux d’absentéisme explosent.
Pour exemple, dans ma classe : le mardi 22 avril, trois élèves ne seront pas là. Le lundi 21 étant férié, le mercredi sans classe… les parents ont choisi de rentrer plus tard de vacances pour économiser sur les billets.
Et que dire des vendredis 2 et 9 mai, qui suivent les jours fériés ? Combien d’élèves manqueront à l’appel ?Un changement de regard sociétal
Cette situation pose une vraie question de fond :➡️ Quelle est aujourd’hui la place de l’école dans notre société ?
➡️ Est-elle encore perçue comme un pilier de l’apprentissage, de la socialisation, de la construction de l’enfant ?
➡️ Ou est-elle réduite à une commodité, un lieu où l’on “dépose les enfants” pendant que les adultes travaillent ?
Ce changement de regard n’est pas anodin. Il affaiblit le rôle de l’école, décrédibilise l’investissement des enseignants, et envoie un message flou aux enfants : “Tu peux zapper l’école si ce n’est pas pratique aujourd’hui.”
Repenser la valeur de l’école
Ce blog est aussi là pour ça : mettre en lumière ces dérives, provoquer la réflexion, ouvrir le dialogue.Non pas pour accuser, mais pour réinterroger ensemble la manière dont nous percevons le rôle de l’école dans la vie de nos enfants.Parce que si l’école devient secondaire pour les adultes, comment pourrait-elle rester centrale pour les enfants ?
- 29 juin 2025 à 10h46 #26734
averoes
Bonjour.
Je ne sais pas pourquoi mon commentaire n’est pas publié. Est-ce à cause du temps nécessaire à la modération pour le lire ou à cause de sa longueur ?
- 1 juillet 2025 à 9h29 #26744
averoes
Bonjour.
Pour tenter de contribuer modestement à la lecture du sujet proposé, je ne peux d’abord m’empêcher de confirmer le constat auquel vous êtes parvenu ; ça fait des années que j’essaye de sonner le tocsin à travers billets et autres interventions dans les forums de discussion (j’indiquerai les liens infra) pour dénoncer une dérive sociétale qui a fait de l’école une succursale des centres de loisirs à vocation éducative. Conception à laquelle contribuent malheureusement certains enseignants eux-mêmes en accordant beaucoup d’importance aux activités périphériques ou récréatives, à travers une délétère et chronophage pédagogie de projet (grands projets d’arts plastiques ou d’activités sportives, grande chorale ou danse, marché de Noël, Halloween, fêtes de fin d’année…), comme si l’art et le sport n’avaient pas une place raisonnable dans les programmes, au lieu de cibler l’instruction réelle qui, déjà en soi, requiert un investissement intense et constant. À la vérité, en considérant l’école comme un lieu de vie et non d’abord comme un espace de transmission du savoir (est-il besoin de rappeler qu’une gare, rue, centre commercial, marché, cinéma, club de foot, etc. sont également des lieux de vie ?), on oublie que cette caractérisation comme lieu de vie finit en général par rendre ce lieu ouvert à tous les mauvais vents. D’où un dévoiement de la finalité naturelle de l’école. - 1 juillet 2025 à 9h29 #26745
averoes
Ensuite, il ne me paraîtrait pas sans intérêt d’orienter la réflexion sur les causes de ce dévoiement. Serait-il la résultante inévitable d’une évolution de la société moderne qui ne jure que par la consommation et le plaisir immédiat, tant et si bien qu’elle devient une incarnation caricaturale d’un monde dominé par le panem et circenses (du pain et des jeux) ? Ou alors, s’agit de l’une des réalisations d’un dessein cryptique abouti ?
Certes, les deux situations que vous pourfendez correspondent à un comportement type des parents consommateurs, puisque l’école est à leurs yeux une sorte de bien de consommation (gratuit s’agissant de l’école publique) qui -à ce titre- doit donc répondre à leurs besoins. Mais, il n’en demeure pas moins que l’image de l’institution scolaire véhiculée par un certain discours politique, de nombreux médias et la culture populaire contribue grandement à sa déconsidération auprès de l’opinion publique. Par ailleurs, elle ne cesse de subir le contrecoup d’une dégradation de la qualité du service public, en général.
- 1 juillet 2025 à 9h30 #26746
averoes
Dès lors, il y a tout lieu de penser que c’est la conjonction de ces deux causes (avatar dû à la société de consommation et influence exercée par la diffusion d’une certaine image de l’institution scolaire et de ses principaux agents) qui semble être à l’origine de cette perception de l’école par la vox populi. Car, quand on s’intéresse au comportement du membre de la société de consommation, on s’aperçoit que son consumérisme est de toute façon érigé en règle de conduite générale, puisqu’il le répète dans plusieurs domaines (éducation, santé, justice, protection sociale, loisirs, culture, transports, etc.). Et si l’on oriente le regard anthropologique vers le discours politique relatif au statut de l’école, un constat émerge malgré les circonlocutions rhétoriques et les éléments de langage : en tant qu’usagers du service public d’éducation, les parents sont considérés comme ayant vocation à être servis presque selon la logique du “client-roi”. Pour le voir, il suffit de se remémorer cette célèbre proclamation d’un responsable de la FCPE dans les Ardennes stipulant que « Les enseignants sont là au service des enfants comme la caissière est là au service des clients ». Nul besoin d’être un grand clerc pour s’apercevoir que la métaphore de la caissière et du client est très évocatrice du positionnement consumériste revendiquée par le représentant de cette association de parents d’élèves.
- 1 juillet 2025 à 9h30 #26747
averoes
S’il en est ainsi, comment lutter contre la suspicion que cette attitude consumériste soit -in fine- encouragée par une campagne de dénigrement à l’encontre des enseignants ? Campagne bien enracinée dans une certaine communication politique, presque cautionnée par un discours officiel et régulièrement relayée dans le paysage médiatique : profs bashing banalisé (est-il besoin de rappeler les dérapages plus ou moins récents d’un certain ministre de l’Éducation nationale ?), un “Pas de vague” comme système de gestion des difficultés professionnelles générées par une vindicte parentale de plus en plus virulente et dangereuse puisqu’il y va de l’intégrité physique des enseignants, un leitmotiv compulsif en faveur de la formation continue pour juguler tout réquisitoire contre des conditions de travail de plus en plus déplorables, rappel médiatique intermittent d’un salaire méprisant (parmi les derniers de l’Union européenne) et refus officiel de le revaloriser, ne serait-ce que pour l’indexer sur le coût de la vie…
- 1 juillet 2025 à 9h55 #26750
averoes
Désolé pour les liens. J’ignore la raison pour laquelle mon dernier message ne s’affiche pas.
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